Voyages d'arbitre publié le 16 fevrier 2010
Grâce au futsal, Pascal Fritz a découvert un nouveau monde. (Photo DNA - Michel Frison) Sur herbe, il officie jusqu'en Division d'honneur. En salle, l'Alsacien est le meilleur arbitre français et a été le premier à siffler une grande compétition internationale : la phase finale de l'Euro.

Il a, comme quatre de ses cinq frères, d'abord été joueur (à Seebach puis Oberlauterbach). Après une blessure, il s'était dirigé vers l'arbitrage. Un peu sur le tard, vers 23 ans.
Il "montera" jusqu'en DH. Et puis, presque par hasard, il y aura le futsal en 2002 lors d'un stage organisé par la Ligue d'Alsace. Un peu plus tard, il sortira même major, « à mon grand étonnement » d'un regroupement national.
La suite sera superbe, il parle « d'opportunité, de chance », on peut également penser que ce bonhomme, aussi simple que discret, a quelques talents. Il voyagera vite et loin. « Ce qui m'est arrivé est incroyable », sourit celui qui vient d'arbitrer Mairie/CUS - Garges en championnat national.

23 jours de congés pris pour satisfaire sa passion

En 2003, il arbitre son premier match international, un France - Belgique Espoirs avec cette "Marseillaise" qui lui donnera la chair de poule. Trois ans plus tard, la Fédération française le proposera à la FIFA. Commenceront alors les voyages : Andorre, les Pays-Bas, la Lituanie, la Bosnie-Herzégovine, la Russie, la Finlande, la Macédoine, l'Azerbaïdjan. « Ça me rapporte beaucoup de points pour l'avion », sourit Pascal Fritz, éternellement licencié à l'US Oberlauterbach-Eberbach.
En novembre dernier, un matin, il découvre dans ses mails un message de l'UEFA. Il était convoqué, avec 39 autres arbitres, en stage de présélection pour l'Euro-2010 au centre technique de la Fédération italienne à Coverciano, pas loin de Florence. « J'étais comme un gamin, heureux comme tout. Dans un deuxième temps, je me suis dit que j'allais représenter la France et que je devais être à la hauteur. »
Quelques jours après son retour en Alsace, nouveau mail de l'UEFA. « C'était pour m'annoncer que j'étais retenu pour être l'un des 16 arbitres de la phase finale mi-janvier en Hongrie. Là encore, j'ai eu deux sentiments. J'allais réaliser mon rêve, mais je devais être bon. » Il dit aussi que s'il a été choisi, « c'est pour inciter des grands pays de football à se mettre au futsal », mais on n'est pas obligé de le croire, pour une fois.
Pascal Fritz, l'électromécanicien de Karlsruhe, fait ses valises. « Pour satisfaire ma passion de l'arbitrage, je prends des congés. La saison passée, elle m'a coûté 23 jours. Caroline, ma compagne, est très compréhensive. » Quant à son employeur, Jean Heintz, il sait se montrer très conciliant. « Il aime le foot, ça aide. Pour l'Euro, il m'avait demandé de me trouver un remplaçant. A l'arrivée, c'est lui qui m'a remplacé. »
Le voilà parti pour la Hongrie. « Tous les arbitres étaient logés dans un hôtel de luxe entre Debrecen et Budapest, les deux villes-hôtes de la compétition. On a profité de la piscine, du sauna, mais on n'avait pas le temps de faire du tourisme entre les entraînements et les réunions techniques. Je vivais comme un pro, dit-il avant de sourire. Et comme le cuisinier était Marocain, j'ai pris quelques kilos. »
Il sifflera ses matches à Debrecen, à 200 kilomètres de là. « On s'arrêtait à la dernière aire de repos de l'autoroute. Ensuite, on avait une escorte policière pour nous amener au gymnase. C'était irréel. »

Le cadeau "empoisonné" de l'UEFA

Lors du premier tour de la compétition, il arbitrera deux matches (Espagne - Biélorussie et Italie - Ukraine) et sera chronométreur sur un troisième (Portugal - Biélorussie). « Le lendemain, il y avait débriefing vidéo des rencontres de la veille avec l'ensemble des arbitres. M. Pietro Nieto-Galan, le Collina du futsal, qui nous supervisait, m'a félicité. Il n'avait rien à dire sur mes prestations. » Et c'est lui qui sera l'un des deux arbitres du choc des quarts de finale entre l'Espagne (finaliste de la dernière Coupe du monde) et la Russie, deux équipes du Top-5 mondial. Il se terminera sur le score de 0-0 et Pascal Fritz était heureux. « Tout s'était bien passé, puis on s'est peut-être déconcentrés. »
La série de tirs au but sera effectivement l'occasion d'un incident rare. « Mon assistant, qui était sur la ligne de but, n'a pas vu qu'une balle, qui avait frappé une barre à l'intérieur de la cage juste derrière la transversale, était entrée sur un tir espagnol. Je suis allé voir les autres arbitres à la table de marque. Aucun n'était affirmatif. Je n'ai pas validé le but. » Le souci, c'est que le public, sur des écrans de télévision placés dans la salle, verra le tir entrer dans le but. « Je ne savais pas qu'on avait passé les ralentis. »
Alors, sans le dire vraiment, il souhaitera la victoire des Espagnols à la mort subite. Ils gagneront le quart de finale (7-6), remporteront même la compétition. « C'est un soulagement après coup. Mais, le soir du match, quand je suis rentré à l'hôtel, j'ai pleuré comme un gosse de longues minutes. Et j'ai appelé Caroline. Je n'ai pas dormi. Ça a duré trois ou quatre jours. Quand on fait une erreur, on est mal. On oublie souvent cette dimension humaine pour un arbitre. On ne se limite pas à un coup de sifflet. »
Et il est rentré à Seltz, à la maison. Dans ses valises, il a rapporté un cadeau qu'il n'a pas encore ouvert. « L'UEFA nous a fait un montage des matches que nous avons arbitrés. C'est trop tôt pour voir ça », dit-il en grimaçant. Depuis, la vie a repris son cours. Pascal Fritz a encore deux ans pour se faire surprendre. En 2012, il sera atteint par la limite d'âge. En attendant, ses rêves courent encore.
Jean-Christophe Pasqua DNA
Retour